• histoire:

De tous les monochromes que j’ai jamais pu observer, ceux de Jacques Monory sont de loin mes préférés : alors que beaucoup ne laissent qu’une impression de mise en valeur de la couleur, la suprématie du bleu dans les toiles de Monory servent réellement la mise en scène. Le bleu est la fois une couleur paisible et inquiétante, qui renvoie à la quiétude comme à l’anxiété.

On retrouve toute cette contradiction dans ce tableau. Dans une scène d’un grand calme apparent où marchent côte à côte un père et son fils dans un beau paysage figurent deux menaces que l’œil ne saurait observer du premier regard. Un tigre, en bas à gauche, qui se fond dans les fleurs, et une main, en haut à droite, qui apparaît extérieure à la scène car hors du cadre traditionnel de la toile et hors de la scène dépeinte par l’artiste. Si elle apparaît être autant hors contexte, c’est peut-être parce qu’elle est au-dessus de ce monde pictural, telle la main d’une divinité pouvant toute contrôler à l’aide des boutons sur lesquels elle appuie si nonchalamment, dans un geste d’ennui.

Ce tableau me laisse un réel sentiment de danger imminent pouvant perturber à tout moment un instant de sérénité. Les fleurs qui accaparent les deux tiers du tableau renforcent cette impression : si elles sont symbole de Nature, de fertilité, de renouveau et de beauté, elles sont aussi un symbole de mort. Et la pâle blancheur de leurs pétales me laisse une sensation d’absence de vie. Tout semble pouvoir basculer à tout moment, mais tout semble pouvoir n’être que l’esquisse d’un mauvais rêve duquel on peut se réveiller à tout moment en décrochant les yeux de la toile.

C’est toute la force du bleu sous le pinceau de Monory : nous laisser à la fois calme et inquiet.

  • Histoire :

Velvet Jungle n°13/1
Jacques Monory, 1971, huile sur toile

 

Présentation de Jaques Monory par le centre pompidou : www.centrepompidou.fr/cpv/resource

Sirène

sirène