• histoire :

Il serait presque inutile d’expliquer en quoi ce tableau me provoque un sentiment d’effroi. Il s’agit d’une illustration d’un passage de la théogonie – les mythes fondateurs de la mythologie grecque – celui où Cronos mange ses enfants à peine nés afin de démentir la prophétie annoncée par ses parents selon laquelle il sera détrôné par l’un d’eux.

Cette toile est d’une violence, d’une horreur et d’une cruauté sans pareil. Alors que le mythe relate que Cronos avale ses enfants – ils seront d’ailleurs par la suite libérés par leur frère Zeus échappé des griffes (ou des dents) de son père grâce à sa mère- ici, il déchiquète et dévore le corps sans vie et décapité de sa progéniture. C’est une réelle scène de cannibalise qui se déroule sous nos yeux, et elle prend pour moi le dessus sur le mythe, le réinvente et se l’approprie avec atrocité. Le corps de son enfant, qui est en réalité un corps d’adulte, est minuscule dans les mains de son père le titan qui paraissent s’enfoncer dans son dos, ce qui renforce le sentiment d’impuissance que l’on peut avoir en regardant ce tableau.

D’ailleurs, le corps de son enfant sort de l’ombre pour montrer ses parties démembrées, mettant ainsi à jour toute l’horreur de la scène. La diagonale de lumière éclaire une autre partie du tableau qui est à mon sens ce qu’il y a de plus profondément perturbant dans cette toile : le visage de Cronos.

Le peintre a donné à Cronos l’apparence d’un vieillard aux cheveux grisonnants, en pleine opposition avec l’image traditionnelle qu’on se fait des personnes âgées, symboles dans l’inconscient collectif de sagesse et d’expérience. Ici, le visage de Cronos est empreint d’une folie furieuse. Ses traits sont déformés par ce qu’on devine être de la peur. Sa bouche béante complétement disproportionnée et son regard si effrayé, presque touchant, me donnent l’impression de voir un monstre pourtant très humain, m’inspirant beaucoup de pitié. Je lis tellement de souffrance et de démence dans son regard que j’en viens à oublier le fait qu’il mange son enfant. De Goya réussit à déporter mon attention ailleurs que sur le corps ensanglanté de l’enfant de Cronos, et c’est en cela qu’il livre une toute autre version du mythe.

  • Histoire :

exposé au Musée du Prado : Saturn MuseoDelPrado

exposé à Madrid également la vision de Rubens.

Sirène

sirène